Quand l’art manque, tout manque
- JeanClaude Decalonne
- il y a 3 jours
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À l’approche des élections municipales, un sujet devrait nous hanter

On parle beaucoup, en ce moment, de sécurité, de transport, de propreté, de budget, d’urbanisme. C’est normal : une élection municipale oblige à regarder une ville comme un organisme en tension permanente, avec ses urgences, ses failles, ses besoins.
Mais au milieu de ces questions essentielles, il en est une qui, dans presque tous les programmes, apparaît discrète, parfois totalement absente.
Que manque-t-il le plus aux enfants et aux adolescents de nos villes ? Qu’est-ce qui transforme réellement leurs vies, leurs comportements, leurs rêves, leur rapport à eux-mêmes et aux autres ?
Qu’est-ce qui peut, en quelques années, changer l’atmosphère d’un quartier, la vie des familles, et même la vitalité d’une commune ? La réponse ne vient pas d’un slogan. Elle vient du terrain, de l’expérience, de l’évidence :
l’art, la pratique musicale en particulier, et plus encore la puissance incroyable d’un orchestre ou d’un chœur.
Là où un orchestre s’implante, tout change

Depuis des années, j’ai vu naître — et parfois renaître — des villes, des villages, des quartiers.
J’ai vu des enseignants bouleversés, des parents métamorphosés, des enfants révélés.
J’ai vu des adolescents découragés devenir responsables. J’ai vu des jeunes en difficulté scolaire retrouver le goût d’apprendre. J’ai vu des familles entières se redresser, réapprendre la fierté, renouer avec l’espoir.
Dans un orchestre ou un chœur, l’enfant ne devient pas meilleur que les autres :
il devient meilleur que lui même et cela change absolument tout :
Les comportements agressifs diminuent.
L’attention s’améliore.
Les niveaux scolaires montent.
Les relations familiales s’apaisent.
L’estime de soi s’ancre, durablement.
Le vivre ensemble redevient possible.

Ce ne sont pas des théories : ce sont des réalités observées, mesurées, répétées.
À Bondy, en Bretagne, dans des villages ruraux, dans des écoles, dans des collèges parfois surchargés, chaque fois qu’un orchestre s’implante, la vie change.
Et pourtant…
À l’approche de chaque élection municipale, les programmes s’empilent, et presque tous oublient ceci : sans art, sans culture vivante, sans projets fédérateurs, une ville perd son âme, une génération se perd aussi.
Comment peut-on, dans un pays où l’éducation vacille, où les repères s’effondrent, où les banlieues sont au bord de l’implosion, où les trafics gangrènent des quartiers entiers, où même les plus jeunes sombrent dans des addictions rapides, ignorer encore la force d’un orchestre ? La puissance d’un chœur ?
La magie d’un projet qui fédère au lieu de diviser ? Le pouvoir d’une pratique artistique qui réunit, apaise, élève, humanise ?
Comment peut-on, face à une insécurité grandissante, face à la solitude numérique, face à la détresse éducative, ne pas comprendre que l’art n’est pas un “plus”…
c’est un secours. C’est un rempart. C’est un outil de transformation sociale au sens le plus noble. C’est une manière de sauver des vies avant qu’elles ne basculent.
L’art n’est pas un coût : c’est un investissement, et l’un des plus rentables qui soient !

Chaque enfant à qui l’on offre une place dans un orchestre, c’est un enfant qu’on éloigne durablement de la violence, du repli, de la perte d’estime.
Chaque chœur d’enfants, c’est une ville qui respire mieux.
Chaque projet artistique partagé, c’est une communauté qui se réunit autour d’un même souffle.
Il n’existe aucune politique préventive plus efficace, plus durable, plus joyeuse que la pratique artistique collective.
Aucune.
Alors, à l’heure où les programmes municipaux se préparent, la question n’est pas de savoir :
combien cela coûte,
si cela rentre dans une ligne budgétaire,
si cela est “prioritaire” selon certains baromètres artificiels.
La question est : qu’allons-nous faire pour nos enfants ?
Qu’allons-nous leur donner comme élan, comme confiance, comme place ? Quel avenir voulons-nous leur offrir, ici, chez nous, dans nos villes, nos villages, nos quartiers ?
Ne laissons plus l’art être la variable d’ajustement.
Ne laissons plus les orchestres ou les chœurs être considérés comme un luxe. Ils sont la clef. Ils sont la voie. Ils sont ce qui peut, réellement, transformer une génération.

Et si une génération change, alors une ville peut changer. Un pays peut changer.
Et tout commence par un instrument remis dans les mains d’un enfant.
JeanClaude Decalonne Président de TUTTI Passeurs d'Arts www.passeursdarts.org

