Il y a des évidences qui mettent trop de temps à éclore
- JeanClaude Decalonne
- il y a 2 jours
- 2 min de lecture
Depuis des décennies, je consacre mon énergie à une cause simple et vitale : offrir aux enfants, surtout les plus éloignés de la culture, un instrument, un orchestre, une place dans le monde.
Et chaque fois, je me heurte à la même absurdité : des politiques publiques qui parlent d’avenir, d’éducation, de cohésion, tout en ignorant l’un des outils les plus puissants pour construire une jeunesse épanouie : la pratique artistique.

Cet oubli, nous le connaissons bien chez TUTTI Passeurs d’Arts. Nous le combattons chaque jour. Nous savons ce que devient un enfant le jour où on lui met un instrument entre les mains : des portes s’ouvrent, le regard change, la confiance fleurit.
Rien n’est plus transformateur que l’art… sauf peut-être l’art partagé.
Et sur ce chemin, j’ai rencontré d’autres militants.
Des femmes et des hommes convaincus que ce qui change la vie des enfants peut aussi réparer, apaiser et réveiller ceux qui ont déjà parcouru une longue route.
Des seniors parfois isolés, fragilisés, privés de passions, coupés du monde comme une page que l’on tournerait trop vite.
L’article remarquable (lire ici) d’Axel Garcia Stur rappelle une vérité essentielle : la culture n’est pas un luxe, c’est une médecine.
Une pratique artistique pourrait sauver, prolonger, ou simplement ensoleiller le quotidien d’innombrables personnes en perte de repères. Et lorsque l’art revient dans leur vie, on voit renaître quelque chose de bouleversant : un désir, une joie, une lumière.
Nous avons longtemps fait jouer nos orchestres dans les maisons de retraite “pour distraire”.
Mais désormais je suis convaincu qu’il faut aller bien plus loin.
Ne plus se contenter d’apporter de la musique, mais encourager la rencontre.
Faire se croiser les regards, les expériences, les fragilités et les forces.
Car il n’y a rien de plus précieux que ce qui circule entre un enfant émerveillé et une personne âgée qui reconnaît dans ses yeux un morceau de sa propre histoire.
Ce mélange des générations est une richesse immense. Les jeunes apportent l’élan, la fraîcheur, la spontanéité. Les anciens offrent la mémoire, l’émotion, la tendresse des choses vécues.
Et lorsque la musique, la couleur, le geste ou la voix deviennent un terrain commun, les âges cessent d’exister : il ne reste que l’humain.

C’est pourquoi je me réjouis profondément que Michel Hilger rejoigne aujourd’hui les Passeurs d’Arts. Il porte avec lui une magnifique expérience intergénérationnelle : multi instrumentiste, direction de chœurs mêlant enfants et adultes, ateliers d’expression picturale en maisons d’anciens…
Nous savions que l’art changeait les enfants. Nous savions son influence bienfaitrice sur les handicaps de toutes natures.
Nous savons maintenant qu’il peut prolonger la vie en bonne santé, rendre la vieillesse plus douce, recréer du lien lorsque tout semble s’éloigner.
Alors oui, je continuerai de me battre.
Pour que jamais plus les politiques ne considèrent la pratique artistique comme un supplément d’âme. Pour qu’on cesse d’oublier les jeunes qui ont besoin d’un cadre, et les anciens qui ont besoin d’un horizon.
Pour que, enfin, l’on comprenne que l’art n’est pas une option : c’est un souffle vital qui traverse toutes les générations.
Et pour que les enfants et les seniors, réunis, puissent nous rappeler ce que nous devrions tous savoir :
la vie est plus belle quand on la joue ensemble.

